Le sort du château de Porcheresse, propriété des mutualités neutres de Gand, inquiète les villageois. Ce patrimoine toujours en vente se détériore. Mme Claudine Huysecom-Wolter, responsable du centre Georges Lemaire, s’est penchée sur l’histoire de cette demeure.
Au cours de son étude approfrondie sur l’histoire des maisons dites du comité, à Porcheresse, Mme Claudine Huysecom a découvert des documents inédits concernant le château de Porcheresse. Elle a rassemblé ces informations pour retracer l’histoire du château que nous publions en deux parties.
Au XVIIe siècle
Les seigneurs de Porcheresse durent maintes fois reconstruire leur château, emporté dans la tourmente de conflits récurrents et calamiteux entre Habsbourg et Capétiens, dont nos régions firent les frais. Le château, reconstruit au début du 17ème siècle, clairement reproduit sur la carte des Ferraris, vers 1770, est un édifice en quadrilatère entouré des douves alimentées par le ruisseau de l’Herbette qui traverse toute la propriété. Il fut ravagé à la Révolution française. Il se trouvait à environ 50 mètres du château actuel, à l’emplacement de la ferme Moniotte. Il appartenait alors à M. Jean-Baptiste Gaspard, baron de Minckwitz (1747-1797), seigneur de Porcheresse, Graide, Finevaux, et autres lieux. Il était marié à Marie-Thérèse d’Arras d’Haudrecy (1752-1827). Le couple s’était uni à Haudrecy, en Champagne, en 1772, dans ce château que possédait cette branche de la famille d’Arras, depuis 1506. Le château champenois fut aussi rayé de la carte à la Révolution.
A Porcheresse, Marie-Thérèse d’Haudrecy hébergea sa mère. Celle-ci y mourut en 1776 et y fut inhumée. Le frère de Marie-Thérèse, Gabriel d’Arras d’Haudrecy qui fuyait la France révolutionnaire après la confiscation de ses biens arriva aussi à Porcheresse. En tant qu’émigré, il se savait hors-la-loi et menacé de la peine de mort en cas de retour en France républicaine. A Porcheresse, il était en sécurité mais démuni de ressources. En décembre, 1793, il épousa à Gembes, une jeune fille de Daverdisse âgée de 17 ans : Marie Josèphe Marischal, fille de cultivateur.
Sa tranquillité ne dura guère. En juin 1794, la France conquit la Wallonie après la bataille de Fleurus. Cette seconde occupation incluait cette fois le duché de Luxembourg. Les jeunes mariés prirent la fuite. On retrouve sa trace vers le début 1798, à Bomal-sur-Ourthe. Où le couple se cachait chez le cultivateur Jean-François Pavier dont la maman vivait à Daverdisse. Un fils naquit le 20 novembre 1798. Il s’agit de Louis d’Arras. Son père ne le verrait pas grandir car il fut arrêté sur dénonciation. Transféré à Liège, on le fusilla, le 29 juin 1799.
Marie-Josèphe Marischal retourna à Daverdisse avec son bébé qui fut baptisé à Gembes, en mai 1799. Etonnante destinée de cet enfant d’émigré noble descendant unique d’Arras d’Haudrecy, devenu paysan et travaillant dur pour gagner son pain. Il tenta plus tard, mais en vain, de se faire dédommager par l’état français des confiscations dont avait été victime son père. Ce qui était devenu possible depuis le vote, en 1825, sous la restauration, de la loi sur le « milliard des émigrés » . Ses droits furent reconnus mais, pour une raison mystérieuse, il ne toucha jamais la somme importante. (plus de 76 000 F) qui entretenait son fol espoir de revanche. Cette revanche, il se la forgea d’une autre manière.
Joseph Mortgat
Il épousa une fille de Daverdisse, Marie-Thérèse Collet et mourut en 1868 en laissant deux filles et trois fils. La descendance d’Arras d’Haudrecy, nombreuse dans la région, reprit ainsi au départ du seul Louis !
S’ensuit alors une période peu explorée de l’histoire du château et des occupants. Le nouveau château était à l’emplacement de l’actuel, 50 mètres au nord du précédent. Bien entendu, ce n’est plus un château au sens féodal, seigneurial et défensif. Il s’agit plutôt d’une grande et belle maison de plaisance à la campagne. Le château avait les mêmes dimensions que celui qu’on connaît aujourd’hui. Une photo d’avant 1914 provenant des archives de la famille Mortgat, atteste de la belle allure classique de la bâtisse entourée d’un jardin à deux niveaux et cinq travées avec entrée centrale, haute toiture d’ardoise à la Mansart percée de trois petites lucarnes et, sur le côté, une tour carrée à toiture pyramidale. Plus tard, furent construites des dépendances en bordure de la rue.
En 1844, l’occupant, un certain Adolphe Oliver, rentier à Paris, s’y installera un an. Vers 1850, la carte de Philippe Vander Maelen indique : « château de Parmentier-Morga » . Ce que l’on retiendra, c’est l’apparition, dans la deuxième moitié du 19ème siècle, de la famille Mortgat dont le cimetière de Porcheresse conserve le caveau. Adhémar Mortgat (1819-1901) que l’on appelle encore le vieux Mortgat, acquit la propriété
L’ancien château féodal avait été reconverti en bâtiments agricoles qui n’étaient pas encore loués à un fermier, comme joseph Mortgat le fera plus tard, mais utilisés par le propriétaire au moyen de main-d’oeuvre de journaliers comme le rapporte Eugénie Jacquemin, d’après ce que lui avait dit son père.
Joseph Mortgat, fils d’Adhémar, fut un enfant du pays. Il devait le connaître son village, puisqu’il y vit le jour en 1870 et y mourut en 1934 après avoir été bourgmestre de puis 1921, à l’époque de la construction du village. Il possédait pratiquement la moitié de la commune de Porcheresse y comprit notamment Avrinchenet sur le territoire voisin de Graide. Il a laissé le souvenir d’une figure marquante, indissociable du château de Porcheresse, qu’il reconstruit immédiatement après la première guerre.
Ph.C
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