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L’âge d’or des confections luxembourgeoises

L’avenir du Luxembourg   

Suite et fin de l’étude consacrée par Mme Claudine Huysecom, du S.I de Daverdisse, à l’histoire du château de Porcheresse. L’entre-deux-guerres fut sans doute la période la plus riche. Vint ensuite le rachat par les mutualités neutres de Gand et aujourd’hui, une triste agonie.

Claudine Huysecom explique qu’en août 1914, la marche des troupes allemandes vers la Semois et la France marquée par l’incendie volontaire de nombreux villages dont Porcheresse, la commune luxembourgeoise la plus sinistrée. Plus de 75% des habitants se sont retrouvés sans logement. Le château avait été détruit également. C’est en 1919 que Joseph Mortgat décida de le faire reconstruire sur les bases de l’ancien avec les mêmes dépendances à front de rue. Le style changea. Il fit multiplier les ouvertures, développer la décoration de la façade, percer des lucarnes dans la toiture et installer le chauffage central et l’eau chaude… La ferme fut rebâtie également.

Commença alors la plus belle période de la vie du château de Porcheresse. De mémoire d’anciens, on cite les superbes réceptions et les parties de chasse qui s’y donnaient entre les deux guerres.

Les confections luxembourgeoises

Les dépendances abritaient les Confections luxembourgeoises. Mme Mortgat, sa fille Geneviève et la gouvernante de la famille en avait la charge. Il s’agissait d’une fabrique de vêtements imperméables qui, en ses beaux jours, fournissait du travail à une vingtaine de villageois ! Une aubaine. Mme Irène Robert, la fille d’une coupeuse aux confections, interrogée par Mme Huysecom, témoigne : «  on peut dire que les propriétaires cultivateurs mis à part, tout le [texte illisible].

Angèle Burnay, qui avait été employée comme colleuse, raconte l’organisation de l’entreprise : « au rez-de-chaussée des dépendances se trouvait l’atelier de coupe, équipé de grandes tables. A l’étage se faisaient le piquage à la machine et le séchage. Le but du collage était de couvrir les coutures pour les imperméabiliser. On étalait la colle avec ses mains, puis on pressait avec un petit rouleau. Après séchage, la colle s’enlevait facilement des mains… »

La production des confections luxembourgeoises était variée et de qualité : gabardines, lodens, imperméables, capes, cirés… les modèles, les matières et les couleurs ne manquaient pas. La clientèle en majeure partie belge et grand-ducale était constituée de nombreux chasseurs.

Le déclin de l’entreprise

Joseph Mortgat, bourgmestre de Porcheresse, mourut le 13 novembre 1934. La vaste propriété fut vendue, « liquidée », précise Mme Huysecom. Les « Confections luxembourgeoises » durent émigrer, le nouveau propriétaire (une société) morcela l’ensemble, revendit le château avec ses dépendances mais le sépara de la ferme. Désormais, le ruisseau de l’Herbette, limite multiséculaire entre la seigneurie de Porcheresse et le franc-alleu de Laloux, devenait la limite de propriété entre le château et la ferme qui fut rachetée par la famille Moniotte. Quelques femmes tentèrent de maintenir l’entreprise de confection en l’installant dans la maison du Comité de Modeste Davreux, derrière l’église. L’espace manquait et on réduisait la production à quelques modèles. L’aventure n’a pas duré longtemps.

Mme Angèle Burnay poursuit son témoignage : « en 1937, année de la vente du château, comme j’avais perdu mon emploi de colleuse, je suis entrée au service du nouveau propriétaire du château qui l’avait acheté 900 000 F. Il s’agissait de M.  Iwens d’Ecoutte, marié avec Mme de Potesta de les Waleffes. Lui était originaire de la région de bruges (château de Roborst), et elle, de la région de Huy (château de les Waleffes, entre Huy et Waremme). Les Iwens avaient neuf enfants… »

Les dépendances reçurent de nouvelles affectations : buanderie en bas, séchoir à l’étage. Le chauffage central fut amélioré.

Le potager était le domaine privilégié du nouveau propriétaire. Il y cultivait davantage de fruits et de légumes que les gens du village dont des cardons (inconnus à Porcheresse), des melons, asperges… Il élevait également de nombreux moutons.

Ce gentleman farmer ne resta pas longtemps. Les menaces de guerre forcèrent la famille à se retirer sur ses terres, en Flandre. Le château connut d’autres propriétaires. Actuellement, il appartient aux mutualités neutres de Gand qui l’avaient converti en centre de vacances pour ses jeunes. Le parc se vit doter d’un terrain de volley et vit naître des baraquements utilitaires. L’intérieur de l’édifice fut complètement transformé.

Lors de la naissance de l’état fédéral, la Région flamande refusa de financer des activités de  jeunes Flamands sur le territoire wallon. Sans subsides, les mutualités ont dû arrêter les camps. Le château fut mis en vente. Un couple de la région de Waremme voulut l’acheter et le transformer en maison pour mal voyants (une activité créatrice d’emplois). Hélas pour lui, les propriétaires n’ont pas accepté de revoir le prix à la baisse (les mutualités en demandent 8 millions). Avec les travaux à mener, l’addition risque d’en décourager plus d’un (on estime à 20 millions les frais d’investissements : restauration du château et des bâtiments annexes). D’autant plus qu’avec le temps les détériorations sont de plus en plus graves. Si rien n’est fait, le château de Porcheresse sera voué à la destruction. Triste fin pour cet album de souvenirs de Porcheresse… PH.C.